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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/434

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D’entrer dedans sans dire gare,
Puisque le fleuve de Tartare
Dans le fond d’un gouffre, aussi creux
Qu’est distant de ces lieux affreux
Le ciel où Jupiter habite,
Comme un torrent se précipite,
Et puis, s’étant précipité,
En sort comme ressuscité ?
Epouvantable est la cascade,
Et qui pourrait d’une enjambade
La passer sans tomber dedans,
Prendrait le ciel avec les dents,
Et serait pure rêverie
De croire que, par galerie,
Un si large et profond fossé
Peut aisément être percé.
Là, les fiers enfants de la Terre,
Pour avoir fait au Ciel la guerre,
Sont cent pieds sous terre enfoncés,
Et puis aussitôt rehaussés.
Les Aloïdes, âmes fières,
S’entre-donnent les étrivières,
Et Salmonée est pétardé :
Ce brutal, sur un char bardé,
Moitié pétard, moitié fusée,
Par toute la Grèce abusée,
Ayant contrefait les éclairs
Et les canonnades des airs,
Dépensa tout son fait en poudre,
Le roi du ciel joua du foudre,
Et ce fanfaron abusé
Aux yeux de tous fut écrasé.
Là, le grand diable de Tytie,
Masse de chair fort mal bâtie,
Couvre de ses membres pesants
Un espace de neuf arpents :
Un furieux oiseau de proie
Sans cesse lui ronge le foie ;
Mais, quoiqu’incessamment rongé,
Il ne sera jamais mangé.