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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/439

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J’en discerne les hauts portiques,
Et les deux portes métalliques.
— Pour dire la chose en ami,
Je ne vois ni murs, ni demi, "
Dit Aeneas. La péronnelle
Lui dit : "Vous me la baillez belle
En ces lieux mal illuminés,
Qui voit la longueur de son nez
Se peut vanter de bonne vue ;
Puis les mortels ont la brelue.
Allons, allons, doublons le pas."
Le Troyen ne repartit pas,
Et se mit, comme elle, en la voie,
Sans que son oeil son chemin voie.
Mais la Sibylle le guida,
Si bien qu’au mur il aborda,
Où le bon seigneur fit en sorte
Qu’à tâtons il trouva la porte.
D’eau de puits il s’eau-bénita,
Et le rameau d’or présenta ;
Il pensait le donner lui-même
En main propre à la dame blême,
Et lui faire son compliment,
Mais un gros Suisse, arrogamment,
Lui dit qu’elle était empêchée.
La Sibylle en fut bien fâchée,
Et l’autre en eut bien du chagrin,
Car on leur eût donné leur vin.
Enfin ils eurent donc entrée
Dans la bienheureuse contrée,
Où Maron dit qu’il fait si bon
Que tout le pain est du bonbon,
C’est-à-dire est un pain de sucre ;
Où rien ne se fait pour le lucre,
Mais où les habitants gratis
Contentent tous leurs appétits.
Tous les faiseurs de mauvais contes,
Les faux marquis et les faux comtes,
Les sots de mauvais entretien,
Les hâbleurs, les diseurs de rien,