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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/44

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Dans ce temple, cent renardeaux,
Cent blaireaux et cent louveteaux,
Et cent tourteaux de pain d’épice,
Sont présentés en sacrifice
Tous les mois à Dame Junon,
Par les Tyriens et Didon.
Quand en Lybie ils abordèrent,
Au fond de ce bois ils trouvèrent,
Dans je ne sais quel vilain trou,
La tête d’un âne et son cou :
Si l’ouvrage du grand Virgile
Est reçu comme l’Evangile,
On trouvera que j’ai fait mal
De mettre âne au lieu de cheval ;
Mais foi de poète burlesque,
J’ai lu dans un livre arabesque,
Dont j’ai mal retenu le nom,
Que c’était celle d’un ânon.
Ils en firent tous grande fête
D’avoir trouvé ce chef de bête,
Chacun bien fort s’en ébaudit,
Junon ayant un jour prédit
A Didon, ravie en extase,
Qu’ils auraient les vertus d’un aze,
C’est-à-dire, pour parler mieux,
Qu’ils seraient très laborieux,
De plus sauraient la sarabande,
Mais auraient l’oreille un peu grande,
Et la perruque de barbet,
S’ils trouvaient le chef d’un baudet
Dans un trou fait à coups de bêche ;
Qu’après cette fatale brèche
Ils auraient le bien de bâtir
Ville qui vaudrait mieux que Tyr.
Après cette heureuse trouvaille,
De massive pierre de taille,
Didon fit un temple en ces lieux
A la femme du Roi des Dieux.
Les portes en étaient de fonte,
Les degrés par lesquels on monte,