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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/449

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L’esprit du corps fait une crasse
Qui facilement ne s’efface,
Et, quoiqu’il ait son corps laissé,
Il n’est pourtant pas décrassé
De cette crasse qui le mine,
Qu’il n’ait passé par l’étamine,
C’est-à-dire par les tourments
Qui durent un grand nombre d’ans.
Les esprits nets de leurs ordures,
Ayant souffert mille tortures,
Ayant été fort bien pendus,
Brûlés, sur la roue étendus,
La tête ou les côtes brisées,
Sont admis aux champs Elysées,
Où, par l’espace de mille ans,
A fine force de bon temps,
A force de vivre à leur aise,
Ainsi que l’or dans la fournaise,
On les met d’assez haut carat,
En tel agréable climat,
Pour être au monde renvoyées,
Outre qu’elles sont nettoyées
Dans la rivière de Léthé ;
D’avoir autre part habité,
Elles y perdent la mémoire.
Pour cela l’on les y fait boire
— Ma foi, je ne vous entends pas,
Dit à cela maître Aeneas ;
Et, dès la quatrième ligne,
Soit que je n’en sois pas trop digne,
Je n’ai rien du tout entendu,
Et c’est autant de bien perdu
Que vos rébus de Picardie.
Trouvez bon que je vous le die :
Ou mon père est beaucoup obscur,
Ou son fils a l’esprit bien dur.
— Tant pis, tu devais donc te taire.
Je pensais quelque honneur te faire
Devant la dame que voilà :
Je ne savais que trop cela."