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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/450

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Voilà ce que lui dit Anchise,
Faisant une mine assez grise.
Tandis qu’il tenait ces discours,
Eux et lui s’approchaient toujours
Des bords de l’admirable fleuve
Où la troupe d’esprits s’abreuve.
Là, le vieillard reprit ainsi :
"Parmi la troupe que voici,
Je t’apprendrai, messire Enée,
De ton étrange destinée
En peu de mots le tu autem,
Les noms de tes neveux Item,
Je te dirai cent mille choses
Qui ne sont pas encore écloses,
Qu’autre ne te dirait jamais.
Je te conterai les beaux faits
De gens au poil comme à la plume,
Dont on fera plus d’un volume"
Cela dit, sur maître Aeneas,
A cause qu’il était bien las,
Il se mit à la chèvre morte,
A peu près de la même sorte
Qu’il fit au sortir d’Ilion,
Non pas se sauvant en lion,
Mais en âne, ne vous déplaise.
Etant là comme en une chaise,
Ayant toussé, mouché, craché,
Ayant bien fait de l’empêché,
Enfin il dénoua sa langue,
Et fit cette belle harangue :
"Vois-tu ce jeune jouvenceau
Vêtu d’un rouge drap d’Usseau,
Et qui tient en main une pique,
Bâton dont bien fort il se pique ?
C’est ton fils après ta mort né,
Lequel vaudra bien son aîné.
Cette vénérable personne
Portera d’Albe la couronne ;
Il sera nommé Silvius,
Très digne d’un nom en ius ;