Aller au contenu

Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/485

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Je vous apprends que je suis folle,
Et que je tiendrai ma parole.
Quoi ! Mars, un soudrille, un fâcheux,
Tout mon fils qu’il est, un franc gueux,
A pu perdre la gent Lapithe !
Et Diane, une chattemite,
Qui fait la prude et ne l’est pas,
A mis les Calydons à bas !
Et Jupiter la laisse faire,
Alors qu’il la voit en colère ;
Et moi, l’on me laisse enrager,
Au lieu de mes affronts venger !
Et moi, j’ai beau faire la guerre
Aux Troyens par mer et par terre,
Leur ouvrir en mer des pertuis
Profonds comme gouffres ou puits,
Et mes charybdes et mes Scylles
Sont des embûches inutiles !
Ils en sont quittes pour la peur,
Les gredins, les faquins d’honneur !
Sans me craindre, ni la marée,
Je leur vois la face assurée
Par la bonté du roi Latin,
Et leur Destin sur mon Destin,
Quoi que j’entreprenne, l’emporte !
Ma foi, je voudrais être morte,
Mais ma sotte divinité
M’exclut de la mortalité ;
Il faut malgré moi que je vive,
Et que j’enrage toute vive,
De voir un homme haï de moi
En passe de devenir roi.
Mais devant qu’il porte couronne,
A sa détestable personne
Je ferai tant mordre les doigts,
Fût-il pieux cent mille fois
Plus qu’il ne s’imagine d’être !
Mon mari, qui l’aime, est le maître,
Mais ma tête, pleine de vent,
Le fait enrager bien souvent ;