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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/486

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Nous nous trouvons en ce rencontre,
Lui pour Aeneas, et moi contre :
Tous les Dieux seront au plus fort,
Mais tous les Diables m’aiment fort,
Et fourniront à ma colère
Cent mille moyens de mal faire,
Et de reculer bien ou mal
Le jour de cet hymen fatal
Du fils de la putain céleste,
Qu’autant que son fils je déteste.
Le Destin, un capricieux,
Qui même gourmande les Dieux,
Voudra l’achever à ma barbe ;
Mais je jure par sainte Barbe,
Ce qui m’arrive rarement,
Car je n’aime pas le serment,
Par sainte Barbe donc je jure
Qu’il souffrira plus d’une injure,
Et de retardement plus d’un,
Ce soudrille souffle-petun,
Devant qu’en face de l’église
Il épouse la fille exquise
Que cet impertinent Destin
Lui garde chez le roi Latin.
Le fils de Vénus la Succube,
Aussi bien que le fils d’Hécube,
Fera, par son hymen fatal,
A plusieurs peuples bien du mal.
Latin, aux noces de son gendre,
Verra du sang humain répandre,
Et du vin moins on y boira
Que de vin on y répandra.
Or çà, mettons la main à l’œuvre.
Une dame au crin de couleuvre,
De qui le Diable même a peur,
Parce qu’elle est de mon humeur,
C’est-à-dire franche tigresse,
Est une très propre diablesse
A faire au beau-fils d’Anchises
Un tour plus fâcheux qu’un procès."