Aller au contenu

Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/488

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

"Alecton, ma chère mignonne,
Que j’estime plus que personne,
Tu peux me faire un grand plaisir,
Et tu ne peux jamais choisir
De plus grande malice à faire
Que celle par qui tu peux plaire
A moi, femme de Jupiter.
Toi seule me peux contenter,
Toi que peux désunir les frères
Et rends les amis adversaires
Ce que je veux est plus aisé :
Je veux qu’un vieil roi méprisé
Par sa femme, une franche folle,
Ne puisse tenir sa parole,
Et qu’un fugitif de Troyen
Soit ici battu comme un chien ;
Que deux rivaux se veuillent battre,
Qu’un d’eux fasse le diable à quatre,
Et que la reine que je dis
Ait l’esprit assez étourdi
Pour troubler royaume et famille,
Plutôt que souffrir que sa fille
Soit mariée à ce grand fat
Qui doit régner dans son Etat,
Et que je hais comme la peste.
Toi seule es tout ce qui me reste.
Mon esprit franc, esprit malin,
Comme le tien à nuire enclin,
N’a plus rien de quoi mettre en œuvre.
Va, ma belle au crin de couleuvre,
Prends toute ta mauvaise humeur,
Et me va faire une rumeur
D’où naisse une guerre civile."
Alecton, comme très civile,
Radoucit ses gros yeux ardents,
Et sourit, découvrant des dents
En pointe, comme dents de scie ;
De son téton fait en vessie,
Qui lui servait à se moucher,
Elle se mit à se torcher,