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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/504

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Et qui, sans présager sa perte,
Paissait doucement l’herbe verte,
Fut vu d’Iülus et des siens,
Ensuite senti par ses chiens,
Qui s’étant mis dessus sa piste,
Iülus devint leur copiste
Et se mit sur sa piste aussi.
D’un étui de peau de roussi
Il dégaina son arc d’ivoire,
De Brésil ou d’ébène noire
(Tant y a qu’il était fort beau),
Et puis après, le jouvenceau
Devança de si loin sa troupe
Que du cerf il gagna la croupe,
Et d’une flèche qu’il tira
Tout l’intestin lui déchira.
Le bon cerf quitta la partie
Avec beaucoup de modestie,
Voyant bien que ces inconnus
Respectaient peu les cerfs cornus,
Et s’enfuit avec sa blessure
Sans leur dire la moindre injure,
Tant il était respectueux.
Son assassin impétueux,
Etant tombé dans une ornière,
Fut par le cerf laissé derrière,
Et le pauvre blessé, bramant,
De sang et de sueur fumant,
Vint montrer sa plaie à Sylvie,
Qui s’écria : "Mort de ma vie,
Et qui diable a mon cerf blessé ?
Le méchant s’en fût bien passé."
Elle dit tout ce que la rage
Fait dire au rustique courage,
Quand elle en prend possession.
Grande fut son affliction,
Grande en fut aussi la vengeance :
Les paysans, maudite engeance
Qui n’entend raison nullement,
Se saisirent brutalement