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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/513

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C’est d’Aeneas de qui je parle,
Vaillant comme l’empereur Charle,
Charlemagne ou Charles le Grand,
Qui fut un si grand conquérant.
Le premier qui vint fut un homme,
A ce qu’on dit, bâti tout comme
Arioste peint Rodomont,
Quasi de la taille d’un mont,
Robuste au lit comme à la table,
Qui ne craignait ni Dieu ni diable,
Ne se confessait nullement,
Et blasphémait horriblement.
Il s’appelait sire Mézence,
Ne payant point, faisant dépense,
Et qui ses sujets maltraitait
Comme un franc tyran qu’il était.
Avec lui marchait son fils Lauze,
Jouvenceau frais comme une rose,
Et lequel, Turnus excepté,
N’avait point d’égal en beauté ;
Grand dompteur de chevaux non rosses,
Assassin de bêtes féroces,
Rude danseur de tricotets,
Musicien d’airs et de motets,
Adroit joueur de quinquenauve,
Mais d’un poil tirant sur le fauve ;
D’ailleurs le meilleur jouvenceau
Qui jamais ait été rousseau,
D’âme toute loyale et bonne,
Et plus digne de la couronne
De son père, que d’être né
D’un homme pire qu’un damné :
Mais pour un fils qui dégénère,
Maint autre vaut mieux que son père.
Deux à deux, en bâtons ferrés,
Après lui marchaient bien serrés
Mille drôles de bonne mine,
Natifs de la ville Agiline,
Ils étaient joueurs d’espadons,
Et grands destructeurs de dindons.