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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/525

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Et se rendre dans l’Italie
Ce qu’est le Turc en Natolie,
Faisant tout ce qui leur plairait,
Le trouvât mauvais qui voudrait ;
Que le Destin à maître Enée
Avait sa parole donnée
Qu’il serait maître des Latins
Malgré les frondeurs et mutins,
Et que, comme Grec, Diomède
Y devait donner prompt remède,
Puisqu’un jour messire Aeneas
Lui pouvait tomber sur les bras
Voilà quel était le sommaire
De l’ambassade extraordinaire.
Il faut croire que l’envoyé
Du roi grec fut bien festoyé.
Cependant le prince de Troie
N’a pas l’esprit beaucoup en joie :
Peu d’argent, beaucoup d’ennemis
Dans ce pays à lui promis,
La flotte toute délabrée,
La terre contre lui cabrée,
Et les soldats découragés
De ce que l’on les a chargés,
Et qu’au lieu de fêtes et noces
On leur a fait plaies et bosses,
Tout cela lui gâte l’humeur ;
Tout cela lui fait avoir peur
Que les promesses surannées
De mesdames les Destinées
Ne lui produisent enfin rien
Que force mal et peu de bien
Tout ce qu’il voit lui fait ombrage,
Tout ce qu’on dit le décourage.
Au diable si le Seigneur sait,
Non plus qu’un enfant, ce qu’il fait ;
Son pauvre esprit, qui se débauche,
Tantôt à droit, tantôt à gauche,
Est porté pitoyablement,
Et cent fois change en un moment.