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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/528

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De larmes qui font à ta face
Faire une fort laide grimace.
Tu t’affaibliras le cerveau ;
Fi, fi, fi, cela n’est pas beau.
Ne pleure plus, prince de Troie,
Sèche tes yeux, reprends ta joie,
Puisqu’à la fin, prince pieux,
Avec un gros ballot de Dieux,
Force gens et force équipage,
Tu te trouves sur mon rivage,
Sans que la grande humidité
Ait ton divin ballot gâté,
Ni l’air marin qui le fer rouille,
Ni l’amer flot qui si bien mouille ;
Enfin, malgré les accidents
D’un voyage de plusieurs ans.
Ne pleure donc plus, cher compère,
Car ta douleur me désespère ;
Si tu pleurais longtemps ainsi,
Ma foi, je pleurerais aussi.
N’est-ce point que tu crains la guerre
Qui te menace en cette terre,
Où, comme le Destin t’a dit,
Tu dois avoir tant de crédit ?
Tu ferais tort à ta prudence
Si tu t’affligeais par avance.
N’est-ce point par ambition
Que tu feins de l’affliction ?
C’est un fat, quiconque se pique.
De paraître mélancolique
Quand on ne l’est pas en effet.
Aurais-tu l’esprit si mal fait
Que tu contrefisses le triste ?
Ah ! ne sois plus mauvais copiste,
Toi qui ramènes en ces lieux
Et le sang de Troie et ses dieux !
Ne pleure donc plus tant, te dis-je :
L’homme de cœur point ne s’afflige.
Je te jure par Mahomet
Que le Ciel ici te promet