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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/529

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Tant de bien qu’on ne le peut dire,
A tes enfants un grand empire,
Et plus de beurre que de pain
Au valeureux peuple romain.
Ce qui te met tant en bredouille
Deviendra du brouet d’andouille :
Cette guerre et tous ses apprêts
Ne feront de loin et de près
Que blanchir contre ta prudence.
Et puis du Destin l’ordonnance
Ne se compterait donc pour rien !
Je te jure, en fleuve de bien,
Qu’ici le plus rude adversaire
Ne te pourra jamais mal faire,
Et quiconque l’entreprendra
Tôt ou tard s’en repentira,
Et, pour te donner une preuve,
Ajouta ce révérend Fleuve,
Que je te dis la vérité
En tout ce que je t’ai conté,
Ici près, sous une chênaie,
Tu dois rencontrer une laie.
Qui de trente beaux marcassins
S’est déchargé les intestins ;
Chaque marcassin qu’elle allaite
Est blanc comme le lait qu’il tète :
C’est-à-dire que, dans trente ans,
Le premier de tes descendants
Doit fonder une ville franche,
Qui sera nommée Albe ou Blanche,
A cause que les marcassins
Sont blancs et non pas Abyssins.
Or ouvre bien tes deux oreilles,
Et je te vais dire merveilles.
Ici près les Arcadiens,
Alliés des Dardaniens,
Sous Evandre, leur cher satrape,
Homme respecté comme un pape,
Bâtissent depuis peu de jours
Une ville avec ses faubourgs.