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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/55

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Nous sommes les pauvres Troyens
Par les Grecs privés de nos biens ;
Un très impertinent orage
Nous a poussés en ce rivage.
A peine échappons-nous des eaux,
Que vos sujets de nos vaisseaux
Ont voulu faire une grillade ;
Je ne sais si c’est par bravade,
A tout le moins je sais fort bien
Que cette action ne vaut rien ;
Cela passe la raillerie ;
Empêchez-les-en, je vous prie.
Bon, si chez votre nation
Avec mauvaise intention
Nous étions venus mouiller l’ancre,
Nous serions noirs comme de l’encre ;
Si nous étions ici venus,
Armés au dos et glaives nus,
Fouiller vos greniers et vos caves,
De vos gens faire des esclaves,
Forcer femmes, ravir enfants,
Enlever tous vos éléphants,
Faire la guerre à toute outrance ;
Puis, sans faire la révérence
Et le moindre remercîment,
Gagner nos vaisseaux vitement :
Une entreprise si hardie
Mériterait bien l’incendie,
Et, nous ayant tous assommés,
Vos gens n’en seraient pas blâmés.
Mais, au triste état où nous sommes,
Pauvres et misérables hommes,
Vaincus par les Grecs assassins,
Nous n’avons pas de tels desseins :
Loin de faire telle incartade,
Nous vous demandons la passade ;
Si vous nous la voulez donner,
Dieu vous en veuille guerdonner.
Nous ne voulons, grande Princesse,
Maintenant qu’amour et simplesse.