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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/58

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Si les destins en ont eu soin,
Soit qu’il soit près, soit qu’il soit loin,
Si quelque saumon ou barbue
N’en a point fait une repue,
Nous n’avons point à redouter,
Ni vous, grande Reine, à douter
Que de toute notre dépense
Vous n’ayez bonne récompense :
C’est un homme qui paye bien,
Et qui n’escroque jamais rien.
Sans nous vanter, en la Sicile
Nous avons un fort bon asile ;
Acestes est notre parent,
Qui n’est point homme indifférent,
Et qui prend part en nos affaires ;
Ennemi de nos adversaires,
Lion de colère embrasé,
Mais mouton, étant apaisé,
Et qui saura de quelle sorte
Votre peuple envers nous se porte.
Faites-nous donc faire chez vous
Un traitement qui soit plus doux.
Nos vaisseaux, blessés jusqu’aux quilles,
Ont besoin de clous et chevilles,
De planches de bois, de chevrons,
Ont perdu tous leurs avirons,
Leur grand mât, leurs longues antennes ;
De grands pins vos forêts sont pleines,
Soit pour de l’argent ou par don
Mettez-nous-les à l’abandon.
Si Sa Majesté qui m’écoute
Nous laisse suivre notre route,
Et sans qu’on nous demande rien,
Comme elle est très femme de bien,
Nous donne aussi le temps d’attendre
Jusqu’à temps que se puisse rendre
En ce même pays ici,
Enée, et les autres aussi,
Qui sur les ondes de Neptune
Comme nous ont couru fortune,