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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/62

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De sortir hors de leur brouillas,
Dont ils étaient déjà bien las.
Achate dit au sieur Enée :
"Passerons-nous ici l’année ?
Qu’espérons-nous gagner ainsi ?
Nous n’avons plus que faire ici.
Montrez-vous donc, fils de Déesse,
Puisque cette bonne Princesse
Vous veut ainsi faire chercher,
A quoi diable bon vous cacher ?
Toute votre flotte est sauvée,
De plus, heureusement trouvée,
Il ne nous manque qu’un vaisseau,
Pourquoi s’est-il perdu dans l’eau ?
Il n’avait qu’à gagner la terre,
Comme nous fîmes à grande erre.
Votre mère n’a point menti,
Et vous a fort bien averti."
Comme il parlait, l’épaisse nue
S’étant par le milieu fendue,
Aeneas parut en ce lieu
Aussi brillant qu’eût fait un Dieu,
Car sa mère bien avisée
Sur sa chevelure frisée
Avait deux fois pleine sa main
Répandu poudre de jasmin,
Avait avec de la pommade
Rafraîchi son teint un peu fade,
Et mis dans sa face et ses yeux
Certain air qu’on remarque aux Dieux.
Comme on blanchit la dent d’ivoire
Que l’on voit moins blanche que noire
A force de la bien frotter,
Ou comme l’on voit éclater
Le fin or autant que la braise
Qui l’a fondu dans la fournaise,
Lorsque l’orfèvre l’a rendu
Assez beau pour être vendu,
Tel en ce lieu Messire Enée,
A la troupe bien étonnée,