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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/69

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Qu’il avait garantis du feu,
En suant non pas pour un peu :
Une belle robe de soie,
Que Léda pour plaire à son oie,
Tous les jours qu’il la visitait ;
Sans jamais y manquer, mettait ;
Un merveilleux et riche voile,
Encor qu’il ne fût que de toile,
Si précieux pour sa façon,
Qu’il valait d’un roi la rançon :
Aeneas, d’Hélène la belle,
Avait, au jeu de la merelle,
Autres disent au quinola,
Gagné ces belles nippes-là ;
D’Hecuba, les chaussons de laine,
Et le vertugadin d’Hélène ;
De Priam la peau de vautour ;
De fines perles un beau tour
Que portait la belle Ilione,
Comme aussi sa riche couronne ;
La béquille de Priamus ;
Le livre de ses Oremus ;
Un almanach fait par Cassandre,
Où l’on ne pouvait rien entendre ;
La perruque d’Andromacha,
Quand de noir elle se toqua,
Voyant la moitié de son âme,
Hector, mis à mort par la lame
D’Achille, en la fleur de ses ans.
Voilà tous les riches présents
Que destinait à Dame Elise
Le généreux enfant d’Anchise.
Mais cependant ne s’endort pas
La Dame qui a tant d’appas
Qu’elle peut à crédit en vendre ;
Il est bien aisé de m’entendre,
C’est Vénus dont je veux parler.
Elle fait dessein de mêler,
Parmi les riches dons d’Enée,
Quelque ruse d’âme damnée.