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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/86

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Est quelque tour de l’ennemi,
Dangereux en diable et demi.
Le Grec, opiniâtre en mule,
Afin de mieux sauter recule ;
Défions-nous de ses présents,
Très dangereux, quoique plaisants.
Croire sottement leur retraite,
C’est avoir la tête mal faite :
Cette grande masse de bois,
Cet ouvrage de tant de mois,
Ce cheval à la riche taille,
Vient reconnaître la muraille.
Dans son ventre, pour nos péchés,
Soldats sont peut-être cachés,
Qui, nous ayant coupé la gorge,
Gais comme des pourceaux dans l’orge,
Ou bien qui pissent dans du son,
D’une pitoyable façon
De tous nos biens feront ripaille.
Pour moi, je n’attends rien qui vaille
Du Grec devenu libéral,
Ni de ce grand vilain cheval."
Cela dit, d’une lance gaie,
Il fit au cheval une plaie.
Son vaste ventre en retentit ;
Plus d’un Grégeois en émeutit,
Car on a su depuis la chose.
Certes ce ne fut pas sans cause :
Ulysse a confessé depuis
Que ce coup lui fit un pertuis
Droit au beau milieu de la panse ;
Il en fut quitte pour la transe,
Et pour s’écrier : « Je suis mort ! »
Dont un chacun le blâma fort.
Il voua plus d’une chandelle
Pour l’avoir échappé si belle.
Plus avant de quatre ou cinq doigts,
Monseigneur le cheval de bois
Allait servir de feu de joie
A la délivrance de Troie.