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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/87

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Ilium encore serait,
Et le bon Priam régnerait.
Mais la fatale Destinée
Avait notre perte ordonnée,
Et les habitants du cheval
Eurent plus de peur que de mal.
Un grand bruit fit tourner la tête,
Et laisser cette grande bête
A tout ce peuple irrésolu.
Une jeune homme de coups moulu,
Et lié d’une grosse corde,
Criant bien fort miséricorde,
Par les pâtres qui l’avaient pris,
A grande rumeur et grands cris,
Etait amené vers la ville.
Ce Grec, des Grecs le plus habile,
Et le plus propre à décevoir,
S’était premièrement fait voir,
Et puis après laissé surprendre,
Résolu de se faire pendre
En homme d’honneur, sans crier,
Ou, par un tour de son métier,
De donner notre pauvre Troie
A ses concitoyens en proie.
Ces pâtres s’empressaient beaucoup,
Pensant avoir fait un beau coup :
Hélas ! de ce beau coup qu’ils firent,
Comme nous ils se ressentirent.
Ils mirent donc devant le roi
Ce prisonnier tout hors de soi,
Ou du moins qui feignait de l’être.
Chacun s’approche de ce traître ;
A force de s’entre-pousser,
On pensa le roi renverser.
Le matois, tout couvert de larmes,
A l’aspect de tant de gendarmes
Qui demandaient à le berner,
Fit semblant de s’en étonner
Priam, des hommes le plus sage,
Afin de lui donner courage,