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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/90

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Et mon parent et mon parrain.
Je ne pus cacher le chagrin
Qui paraissait trop sur ma face ;
Je fis menace sur menace :
Le méchant Ulysse en eut peur.
On savait que j’avais du cœur :
J’avais, dès mes jeunes années,
Plusieurs bonnes preuves données
Que je savais tirer du sang,
Couper un bras, percer un flanc,
Et faire une capilotade
De qui m’eût fait une incartade.
J’avais cent fois, dans le sang chaud,
Juré dans notre camp tout haut
Que je voulais faire une botte,
Après le retour de la flotte,
Contre ce traître empoisonneur,
Que j’appelais larron d’honneur.
Le méchant sut bien me le rendre,
Ainsi que vous allez apprendre.
Il corrompit monsieur Calchas,
Dont tous les Grecs faisaient grand cas,
Et dont je ne fis pas grand compte,
Comme vous verrez par mon conte.
Ce Calchas était un bigot
Pire que Goth ni Visigoth,
Un grand faiseur de sacrifices,
Grand immolateur de génisses ;
Passe encore, mais il faisait
Immoler ceux qu’il lui plaisait.
Ce bon devin, ami du crime,
M’ayant marqué pour sa victime,
A la prière d’Ulysses,
Sans doute un vrai diable en procès,
Admirez un peu ce qu’ils firent
Et l’étrange chemin qu’ils prirent
Afin de me faire mourir.
Ils firent sourdement courir
Plusieurs bruits parmi le vulgaire.
Mon ennemi ne sortait guère