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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/94

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Voici ce qui fut rapporté
De la part du dieu consulté :
"Devant que de vous mettre en voie
Pour venir camper devant Troie,
Il vous a fallu sang humain
Pour vous rendre le ciel humain ;
Votre heureux retour en la Grèce
Doit s’acheter en même espèce :
Une vierge il vous a coûté ;
Un homme doit être traité,
Sans différer, de même sorte,
Ou que le diable vous emporte,
Ce qu’assurément il fera,
Car tel est notre…" et caetera.
A cet oracle épouvantable,
On vit bien que le misérable
Ne pouvait être autre, sinon
Le pauvre infortuné Sinon.
Calchas, étant ami d’Ulysse,
Et de plusieurs crimes complice,
Et parce que c’était Calchas
Qu’on consultait en pareil cas,
Ulysse en public lui demande
Qu’il déclare tout haut l’offrande
Dont on doit apaiser les Dieux.
L’hypocrite, baissant les yeux,
Conjure que l’on lui pardonne
S’il ne veut déclarer personne,
Et qu’il aime bien mieux mourir
Que de faire un homme périr.
Ulysse l’en blâme ; il s’en fâche.
Ulysse l’en presse ; il se cache,
Durant dix jours ne paraît plus,
Chez le même Ulysse reclus.
Un jour, comme par violence,
Ulysse l’amène en présence
Des princes grégeois assemblés,
Tant de son absence troublés
Que de prodiges à centaines
Qui leur causaient fièvres quartaines.