Aller au contenu

Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/93

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Tout le vin du camp fut gâté,
Et tout le camp si maltraité
Que chacun y fit sa prière,
N’attendant que l’heure dernière.
Qu’on eût eu bon marché de nous,
Et qu’il y faisait bon pour vous !
Les vaillants autant que les lâches
Pleuraient partout comme des vaches.
On n’entendait que des hélas !
Le franc cocu de Ménélas
Trembla bien fort en chaque membre,
Voyant le tonnerre en sa chambre
Qui son pot de chambre rompit :
Il en pissa de peur au lit.
On s’assemble sur ce prodige,
On s’en étonne, on s’en afflige
Le pot de chambre visité,
On trouva qu’il avait été
Bien et dûment frappé du foudre :
Cela fit le conseil résoudre
D’envoyer vers monsieur Phébus,
Qui ne parle que par rébus.
On choisit le sieur Eurypyle,
Homme en pareil cas fort habile,
Qui partit dès le lendemain
Pour Délos, bourdon à la main.
Voici, par une sarbacane,
Ce que lui dit, en voix de cane,
La prophétesse, après avoir
Sur le trépied fait son devoir,
C’est-à-dire, nue en chemise,
S’être longtemps tenue assise,
Ses deux jambes écarquillant :
Cela lui rend le sang bouillant,
Et lui fait bien enfler la gorge,
Tant le Dieu dont elle regorge
Lui rend le dedans confondu
Jusqu’à tant qu’elle l’ait rendu.
Mais, bien mieux que moi qui trop cause,
Vous savez peut-être la chose.