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LE ROMAN


teur se reposa quelque tems, et se mit à songer à ce qu’il diroit dans le second chapitre.

CHAPITRE II.


Quel homme étoit le sieur de la Rappiniere.


LE sieur de la Rappiniere étoit alors le rieur de la ville du Mans. Il n’y a point de petite ville qui n’ait son rieur. La ville de Paris n’en a pas pour un ; elle en a dans chaque quartier ; et moi-même qui vous parle, je l’aurois été du mien, si j’avois voulu ; mais il y a long-tems, comme tout le monde sçait, que j’ai renoncé à toutes les vanités du monde. Pour revenir au sieur de la Rappiniere, il renoua bientôt la conversation que les coups de poing avoient interrompue, et demanda au jeune comédien si leur troupe n’étoit composée que de mademoiselle de la Caverne, de Monsieur de la Rancune, et de lui. Nôtre troupe est aussi complette que celle du prince d’Orange, ou de son altesse d’Epernon, lui répondit-il ; mais par une disgrâce qui nous est arrivée à Tours, où notre étourdi de portier a tué un des fusiliers de l’Intendant de la province, nous avons été contraints de nous sauver un pied chaussé et l’autre nud, en l’équipage que vous nous voyez. Ces fusiliers de monsieur l’Intendant en ont fait autant à la Flêche, dit la Rappiniere. Que le feu saint-Antoine les arde, dit la tripotiere, ils sont cause que nous n’aurons pas la comédie. Il ne tiendroit pas à nous, répondit le vieux comédien, si nous avions les clefs de nos coffres pour avoir nos ha-