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Page:Scarron - Oeuvres T3, Jean-François Bastien 1786.djvu/304

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comprendre pourquoi on l’avoir enfermé, et elle le laissa aller, parce qu’elle le connoissoit, ou plutôt parce qu’elle trouva le compte de ses meubles. Ceux qui font profession de dérober et qui en tirent toute leur subsistance, ne craignent point dieu, et ont toujours à craindre les hommes. Ils sont de tous pays, et n’ont jamais de demeure assurée. Aussi-tôt qu’ils ont mis le pied dans un lieu, ils y profitent le plutôt qu’ils peuvent avec un seul, et se brouillent avec tous les autres. Ce malheureux métier qui s’apprend avec tant de travail et de diligence, est différent des autres, en ce qu’on les quitte après y avoir vieilli, et qu’on manque de forces ; et celui de dérober ne se quitte presque jamais que dans la jeunesse et faute de vie. Il faut que ceux qui l’exercent y trouvent bien des charmes, puisqu’ils hazardent pour eux un grand nombre d’années que leur ôte tôt ou tard le bourreau. Hélène, Mendez et Montufar, n’avoient pas ces belles réflexions-là dans la tête, mais bien une peur effroyable d’être suivis ; Ils donnèrent à leur cocher le double de ce qu’il lui falloit, afin qu’il pressât ses chevaux, ce qu’il fit avec excès pour plaire à des gens qui l’avoient payé de-même, et on peut croire que jamais carosse de louage n’alla plus vite sur la route de Madrid. Ils n’avoient pas envie de dormir, quoique la nuit fût fort avancée. Montufar étoit fort inquiet, et témoignoit par ses soupirs fréquens plus de repentir que de satisfaction. Héléne qui voyoit clair dans sa pensée, voulut le divertir en l’informant des particularités de sa vie, dont jusqu’alors elle lui avoit fait un secret. Puisque je te vois de mauvaise humeur, lui dit-elle, je veux contenter l’envie que tu as roujours eue d’apprendre qui je suis, et d’être informé des