Page:Scarron - Oeuvres T3, Jean-François Bastien 1786.djvu/303

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ajoûta-t-elle, qu’il n’y a rien de plus vrai que ce que je vous dis de la violence que m’a fait votre neveu, voilà le poignard qu’il me mit à la gorge, et plût à dieu qu’il eût fait plus que m’en menacer ! Elle recommença de pleurer en achevant son discours. Mendez prit un ton plus haut qu’elle, et le chœur de musique d’auprès de la porte, dont le petit laquais faisoit le dessus, et Montufar la basse, ne se fit pas entendre avec moins d’ambition. Le vieillard qui n’avoit déjà que trop facilement cru ce que lui avoit dit la plus fourbe de toutes les femmes, ne vit pas plutôt le poignard, qu’il le reconnut d’abord pour celui qu’il avoit autrefois donné à son neveu. Il ne songea donc plus qu’à empêcher que ses nôces ne fussent point troublées. Il l’eût bien envoyé quérir, mais il eut peur que quelqu’un fût assez curieux pour en vouloir savoir le sujet ; et comme on craint extrêmement quand on désire de même, il ne vit pas plutôt les dames affligées faire mine de s’aller opposer à des nôces qu’il désiroit ardemment, et qui lui avoient donné beaucoup de peine à conduire jusqu’où elles étoient, qu’il se fit apporter une cassette pat son page, et lui fit compter deux mille écus en pièces de quatre pistoles. Montufar les reçut et les recompta une à une, et le vieux marquis leur ayant fait promettre qu’ils se trouveraient le lendemain chez lui, fit mille excuses aux dames de ce qu’il ne pouvoit les conduire jusqu’à leur carosse. Elles y montèrent fort satisfaites de leur visite, et firent reprendre au cocher le chemin de Madrid, se figurant que si on avoit à les suivre ce serait du coté de Léon. Leurs hôtesses cependant voyant que ses hôtes ne paroissoient point, entra dans leur chambre : elle trouva le page dans le cabinet, qui ne pouvait