Page:Scarron - Oeuvres T3, Jean-François Bastien 1786.djvu/320

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non plus songé à toi que si tu n’eusses jamais été. Au-reste, quelque regret que tu ayes pour la vie, tu dois être fort satisfait de ta mort, puisque le ciel, pour des raisons inconnues aux hommes, te la donne plus honorable que tu ne l’as méritée, permettant que la fièvre te fasse ce que le bourreau fait aux méchans qui te ressemblent, ou la peur aux hommes de peu de cœur, comme tu es ; mais, mon pauvre Montufar, avant de nous séparer pour jamais, parle-moi sincèrement une fois en ta vie. Est-il vrai que tu as prétendu que je demeurerois ici à te servir de garde ? Hà, ne te mets point ces vanités en ta tête, si proche de la mort. Quand il y iroit non seulement de ta santé, mais de la restauration de tout ton lignage, je ne demeurerois pas ici un quart-d’heure. Fais-toi porter à l’hôpital, et puisque tu t’es toujours bien trouvé des conseils que je t’ai donnés, ne méprise pas le dernier que je te donne. C’est, mon pauvre Montufar, de ne faire point venir de médecin, qui ne manquera pas de te défendre le vin, ne sachant pas que cela seul, sans la fièvre, est capable de te faire mourir en vingt-quatre heures. Pendant qu’Héléne parloit, la charitable Mendez tâtoit le pouls à Montufer de tems en tems, et lui portoit la main au front ; et voyant que sa maîtresse ne parloit plus, elle prit la parole en cette sorte. En-vérité , Seigneur Montufar, vous avez la tête extraordinairement échauffée, et j’ai grand peur que ce dernier accident-là ne vous emporte, sans vous donner le tems de vous reconnoîtte. Prenez-moi donc ce chapelet, ajoûta-t-elle, et me le dites bien dévotement, en attendant que le confesseur vienne. Ce sera toujours autant de fait pour la décharge de votre conscience ; mais si l’on en croit les histo-