Page:Scarron - Oeuvres T3, Jean-François Bastien 1786.djvu/321

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riographes du greffe criminel de Madrid, qui ont si souvent occupé leurs plumes à décrire vos prouesses, la vie exemplaire de votre seigneurie ne l’oblige pas à beaucoup de pénitence ; outre que dieu sans-doute lui tiendra compte de la promenade qu’elle fit dans les principales rues de Séville, aux yeux de tant de monde et escortée de tant d’archers à cheval, quasi de la façon que l’est quelquefois M. le prévôt, si ce n’est qu’il marche toujours à leur tête, et que vous marchâtes lors à leur queue. Ce qui peut encore beaucoup servir à votre décharge , c’est le voyage que vous avez fait sur mer, où vous avez pendant six années entières fait plusieurs choses agréables à dieu, travaillant beaucoup, mangeant peu et voyageant toujours ; et ce qui est de plus considérable, c’est qu’à-peine vous aviez vingt ans, quand, à la grande édification du prochain, vous commençâtes ce saint pèlerinage. De-plus, ajouta la vieille, il n’est pas croyable que vous ne soyez point récompensé en l’autre monde, du soin que vous avez toujours eu que les femmes qui ont dépendu de vous, n’ayent pas été oiseuses ni fainéantes, les faisant travailler et vivre, non seulement du travail de leurs mains, mais de tout leur corps. Au-reste, si vous mourez dans votre lit, vous allez faire un plaisant tour au juge de Murcie, qui a juré son gros serment qu’il vous ferait mourir sur la roue, qui s’attend a en avoir le plaisir, et qui sera bien enragé quand on lui apprendra que vous êtes mort de vous-même, sans l’aide d’un tiers. Mais je m’amuse ici à parler, sans songer qu’il est tems de commencer le voyage que nous avons envie de faire. Cependant, notre cher ami du tems passé, recevez cette dernière embrassade d’aussi bon cœur que je vous la donne ;