Page:Scarron - Oeuvres T3, Jean-François Bastien 1786.djvu/324

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peau, il s’assit au milieu des deux patientes, et se tournant vers Héléne, lui dit à peu près ces paroles. Ma chère Héléne, ne me sache pas si mauvais gré de ce qui vient de se passer entre nous, que tu ne considères ma bonne intention, et que chacun est obligé en conscience de suivre sa vocation : la tienne est d’être malicieuse, car le monde est composé de bien et de mal ; la mienne est de punir les malices. Tu sais mieux que personne si je m’en acquitte dignement, et tu dois croire, puisque je te châtie si bien, que je t’aime de même. Si mon devoir ne s’opposoit point à ma pitié, je ne laisserois pas une si honnête et si vertueuse demoiselle toute nue, attachée contre un arbre à la merci du premier passant. Ton illustre naissance que j’ai depuis peu apprise, mérite un autre destin ; mais avoue que tu n’en ferois pas moins que moi, si tu étois en ma place. Ce qu’il y a de plus fâcheux pour toi, c’est qu’ayant été si publique, tu seras bientôt reconnue ; et il est à craindre que par maxime de police, on ne fasse brûler le méchant arbre, auquel tu es comme incorporée, avec le méchant fruit qu’il porte ; mais en récompense, si tu n’as que la peur de tous les maux que tu t’es attirés toi-même , ils te seront un jour très-plaisans à raconter ; aux dépens d’une mauvaise nuit tu auras acquis une habileté qui éclatera beaucoup parmi toutes celles que tu as déjà : c’est, ma chère amie, de pouvoir dormir debout. Mais la bonne Mendez pourrait avec raison se plaindre de mon incivilité, si j’étois plus longtems à te parler, sans même tourner le visage vers elle ; et je manquerois de plus à ce que je dois à mon prochain, si je ne lui donnois pas par charité quelques conseils utiles à l’état présent de ses affaires. Elles sont, ajouta-t-il,