Page:Scarron - Oeuvres T3, Jean-François Bastien 1786.djvu/337

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et ayant su qu’il n’étoit point à Madrid, y parurent en public, lui aussi-bien vêtu qu’aucun homme de la cour, et elle avec un équipage de dame de condition et belle comme un ange. Elle ne s’étoit mariée à Montufar, qu’à condition que, comme un mari de bon sens et de grande patience, il ne trouveroit point à redire aux visites que sa beauté lui attireroit, et elle s’obligeoit de son côté de n’en recevoir point d’inutiles. Les entremetteuses, autrement maquignonnes de dames, autrement marchandes de chair humaine, maquerelles en langue vulgaire, et, pour en parler plus honorablement, femmes d’intrigues, commencèrent à prendre soin de la conduite d’Héléne. Elles la faisoient paroître un jour à la comédie, l’autre jour au cours, et quelquefois dans la grande rue de Madrid, à la portiére d’un carosse, d’où regardant les uns, riant aux autres, et ne congédiant personne, elle se fit en moins de rien une chiourme d’amans transis capable d’armer une galére. Son cher mari se tenoit religieusement aux clauses de son contrat, il encourageoit les amans timides de sa femme par ces douces façons de faire, et les lui menoit comme par la main, accommodant et discret à tel point, qu’il feignoit toujours quelque affaire pressée pour les laisser seuls avec elle. Il ne faisoit connoissance qu’avec des hommes riches et de dépense, et n’entroit jamais dans sa maison qu’il n’eût été assuré par un signal qui paroissoit à la fenêtre, lorsque la maîtresse du logis étoit empêchée, qu’il y pouvoit entrer sans rien gâter ; et si le signal lui en défendoit l’entrée, il s’en alloit gai comme une personne de qui les affaires se font en son absence, passer une heure de tems dans quelque académie de jeu, où tout le monde le caressoit à cause de sa femme. Entre ceux qu’Héléne se rendit tributaires, il se