Page:Scarron - Théâtre complet, tome 3, 1775.djvu/284

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BOUTADE DE MATAMORE à son Valet.

Je t'apprends que la mort est toujours avec moi,

Que j'ai pour compagnons le carnage et l'effroi,

Et que de quelque part que je tourne la vue,

Je charme, j'éblouis, j'épouvante et je tue.

Si d'un de mes regards je donne le trépas,

Les lieux par où je vais, tremblent dessous mes pas.

On dirait que les vents enclos dans leurs entrailles,

Pour en sortir plutôt, s'y livrent des batailles,

Ou pour mieux en parler qu'un soudain mouvement

Aille de l'Univers saper le fondement.

Aussi Pluton qui craint que par mon assistance,

Jusques dans ses cachots le Soleil ne s'avance,

Délivre qui me plaît de ses horribles fers,

Sans qu'il me soit besoin de descendre aux Enfers.

Alors que je me trouve au milieu des alarmes

Je pourfends d'un seul coup casques, chevaux, gens d'armes,

Je renverse à la fois des bataillons entiers,

Sans être secondé, j'enlève de quartiers.

Que te dirai-je plus d'une seule menace

Des superbes Géants à mes pieds je terrasse,

Et fais fuir devant moi les Rois et les Césars

Aussi facilement que leurs moindres soldats.

Quand je suis obligé d'assiéger une ville,

Le canon me tient lieu d'une chose inutile ;

J'estime les travaux ridicules et vains,

Car pour y faire brèche il suffit de mes mains,