Page:Scarron - Théâtre complet, tome 3, 1775.djvu/292

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Arrêterait encor le mouvement des cieux,

La flamme avec les eaux ferait aussi la guerre,

Les airs ne seraient pas d'accord avec la terre,

Et la nuit et le jour pêle-mêle assemblés,

Comme les Éléments seraient encore troublés,

Les Saisons en désordre iraient à l'aventure,

Le Printemps n'aurait point de fleurs ni de verdure,

Cérès dedans l'Été n'aurait point de moissons,

L'Automne point de fruits, l'Hiver point de glaçons ;

Les ans, les mois, les jours, les heures, les minutes

N'auraient jamais sans moi terminé leurs disputes.

Pour donner à ce Tout un éternel repos,

D'un clin d'oeil à l'instant je rompis le Chaos ;

Je fis placer le feu quand il fut manifeste

Dans le cercle dernier de la voûte céleste ;

L'air presque aussi subtil que le chaud élément,

Se mit un peu plus bas par mon commandement :

Sous l'air je mis la terre, et l'entourai de l'onde,

Pour affermir plus fort les fondements du Monde :

Les Éléments étant en bon ordre rangés,

Et selon leur nature en leurs centres logés,

Je fis en même temps la terre toute ronde,

Et son égalité n'a rien qui la seconde ;

Par elle je donnai l'éternel mouvement

À l'immobile corps de ce lourd élément,

Et malgré les rigueurs des vents et des orages,

La mer ne peut sortir de ses moites rivages :

J'ai seulement tiré des sources de ces eaux,

Pour faire serpenter la terre de ruisseaux ;

De ces ruisseaux j'en fis les fleuves, les rivières,

Qui tombent en grondant dans leurs sources premières.

Après l'heureux succès de ce grand changement,

Pour donner à la terre un superbe ornement,