Page:Schœlcher - De l'esclavage des Noirs, 1833.djvu/35

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vaincu de reste, en le lisant, que son imagination seule a pu rêver cette longue béatitude. Ce n’est pas à dire pourtant qu’il n’y ait des habitations où les esclaves soient traités convenablement et heureux, comme des chiens bien nourris ; mais la nature même de l’esclavage n’en permet que de rares exemples ; elle veut qu’un maître humain soit une exception. C’est comme un bon roi. — Un planteur a besoin d’être particulièrement généreux pour songer à adoucir le sort de ses nègres ; la servitude corrompt à la fois le cœur du maître et celui de l’esclave ; car l’esclave s’abrutit sous la tyrannie du maître, et le maître prend en dégoût l’abrutissement de l’esclave. Quelle force d’esprit ne faut-il pas pour résister à de pareilles impressions ! pour travailler à rendre meilleur l’avenir d’un être avili, souillé de vices, et qui se traîne, sans penser, sur le sillon qu’on l’oblige à creuser ! — Ce tableau n’est que trop réel, et le petit nombre de noirs qui parviennent jusqu’à la vieillesse, dans les colonies, n’en est pas le trait le moins affligeant ; les souffrances morales et physiques qu’endurent ces malheureux les tuent avant l’âge.

L’esclavage entraîne ainsi mille affreuses conséquences, dont chacune, prise à part, motiverait justement son abolition.

Pour moi, je le déclare, j’ai vu peu de nègres invalides sur toutes les habitations que j’ai visitées ;