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Page:Schœlcher - Le procès de Marie-Galante, 1851.djvu/10

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de beaucoup plus loin. Nous l’avons déjà dit : C’est l’explosion d’un vaste complot, organisé depuis longtemps, sous les auspices, à l’instigation et pour le plus grand profit de certains hommes, dont nous avons de tout temps surveillé et quelquefois pénétré les machinations. » Tel était le langage des écrivains de la conciliation.

Au reste, dès le 30 juin, au moment où les événements de Marie-Galante étaient à peine connus à la Pointe-à-Pitre, le Commercial avait représenté les noirs comme « les instruments d’hommes qui rêvaient l’exclusion de la race européenne et leur substitution à celle-ci, » et les adversaires de l’émancipation, soit aux colonies, soit en France, de bonne ou de mauvaise foi, s’étaient hâtés de propager et de commenter cette heureuse découverte ! Dans une pétition adressée à M. le Président de la République, les négociants, armateurs, capitaines au long cours et colons résidents du Havre, allèrent même jusqu’à dire : « La Guadeloupe est en pleine anarchie, le sang a coulé à flots ; l’incendie, allumé sur un grand nombre de points à la fois, éclaire des scènes de massacre, des tueries inconnues parmi les hordes qui habitent les contrées les plus sauvages. » (Courrier du Havre, 28 juillet 1849).

Enfin, quand la nouvelle du 13 juin parvint aux colonies, les organes de l’aristocratie s’en emparèrent avec frénésie pour en faire un thème d’accusations extravagantes contre la classe qu’ils voulaient perdre.

« La concordance des événements du 13 juin à Paris et de ceux des 18, 19, 26 et 27 juin à la Guadeloupe, dit le Commercial du 14 juillet, est un terrible témoin contre vous et contre celui (M. Schœlcher) qui vous dirige dans vos coupables intrigues. Patience ! Ce mot qu’il vous a adressé résume tout le complot ; la conspiration était fomentée à Paris, pendant qu’on essayait, mais en vain, de la faire réussir ici. » Le Courrier de la Martinique est plus explicite encore. Dans l’aveuglement de sa passion, il accuse M. Mestro, directeur des colonies, et M. l’amiral Bruat, gouverneur général des Antilles, d’être les complices de la conjuration qui aurait éclaté à Marie-Galante ; il n’épargne pas même M. Tracy, qui venait cependant de donner « une mission de conciliation » à un homme qu’il savait décidé à combattre les candidats