Page:Schœlcher - Le procès de Marie-Galante, 1851.djvu/29

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Voilà donc un premier point inébranlablement établi : l’arrestation du citoyen François Germain, cause de tous les malheurs qui ont désolé Marie-Galante, était illégale.


§ 2. — violences de la répression.


Le témoignage de M. Hoüelche, que nous reproduisons d’après l’Avenir, montrera aussi que la conduite de ce capitaine des chasseurs à cheval (milice composée presqu’entièrement de blancs propriétaires) n’a pas peu contribué à amener des représailles de la part de la foule.

« Je dis au maire, dépose ce témoin, qu’il me fallait conduire Germain avec une partie de ma compagnie. Je partis en effet avec seize hommes ; nous étions entourés, j’engageai les assaillants à se retirer. Nous ne tardâmes pas à être assaillis. On disait : Il ne faut pas les laisser passer… Sainte-Rose Arsonneau particulièrement excitait les masses. Au même moment, je reçus un coup de pierre entre les deux épaules ; mon lieutenant fut blessé. Je fus obligé de commander le feu. Plus loin, Germain tombait de cheval et il tombait volontairement. Arrivés devant la maison de Bonhomme, un millier de piques[1] barraient la route. Je demandai le passage : Non ! non ! cria-t-on ; vous ne passerez pas ! Zami Claudie, en avant, criait aux armes. Il s’approcha de moi avec une pique ; je me renversai sur mon cheval pour éviter le coup et je tirai en appuyant mon pistolet sur la poitrine à Zami Claudie, qui tomba ; je crus l’avoir tué[2]… Je remontai chez M. Bonneterre qui me dit qu’il ne savait plus que faire, que les nègres empêchaient même qu’on fit boire les chevaux des chasseurs que j’avais laissés chez lui. Le maire se décida alors à faire les sommations, qui furent répétées à plusieurs reprises. Les groupes ne bougèrent pas ; alors je me vis contraint de commander le feu, qui fut réitéré trois fois. » (Audience du 26 mars, Avenir.)

  1. Le lecteur ne doit pas oublier que ces piques sont de longues gaules de bois dont l’extrémité est simplement durcie au feu.
  2. Zami Claudie a eu le corps traversé par la balle de M. Hoüelche ; la conservation de sa vie est un miracle.