Page:Schœlcher - Le procès de Marie-Galante, 1851.djvu/33

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misérables profitèrent du tumulte pour satisfaire de criminelles rancunes. Autant que personne, nous réprouvons de semblables excès, mais si nous en flétrissons les auteurs, nous n’en devons pas moins protester contre les déclamations dont ces excès ont été le prétexte. À côté d’actes sauvages, n’a-t-on pas après tout à placer des exemples d’une générosité sublime ? Les récompenses accordées à des nègres pour leur conduite dans les événements de Marie-Galante, et enregistrées au Moniteur, ne viennent-elles pas attester que la masse n’est point solidaire des attentats commis par quelques-uns ? On n’est donc pas plus fondé à rendre tous les affranchis responsables de crimes isolés, qu’à reprocher à tous les anciens maîtres le meurtre de Jean-Charles assassiné par trois blancs.


§ 3. — quelques colons seuls coupables des craintes que les nègres peuvent avoir sur leur liberté.


Arguant du soulèvement qui suivit les fusillades, l’accusation a prétendu que l’arrestation de M. François Germain n’a pas été la cause, mais bien le prétexte dont se sont emparés les agitateurs. Quoi ! c’est le moment où toutes les autorités étaient sur pied, où la milice et la troupe de ligne étaient sous les armes, où le Cygne, brick de guerre, venait de débarquer ses marins et ses batteries ; c’est ce moment que les électeurs noirs et mulâtres eussent choisi pour s’insurger, eux sans armes, eux assurés de la majorité incontestablement acquise à leurs candidats ! On n’imaginerait jamais, d’ailleurs, quelles raisons ont été invoquées par le ministère public pour donner créance à cette version. Il incrimine le calme même qui avait accompagné, à Marie-Galante, la proclamation de la liberté ! Lisez : « La proclamation de la liberté eut lieu à Marie-Galante au milieu d’un calme apparent. Les noirs de la campagne affluaient en ville, et recevaient, avec une joie tranquille, la nouvelle de ce grand événement : des danses, des chants, telles étaient les seules manifestations : le jour suivant les retrouvait sur leurs habitations respectives, concluant des marchés