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Page:Schœlcher - Le procès de Marie-Galante, 1851.djvu/34

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avec leurs anciens maîtres, et montrant les dispositions les plus pacifiques. Ces débuts dépassaient toutes les espérances et devaient faire craindre pour l’avenir. » (Acte d’accusation.) Ou saisît bien dans ce passage les étranges préoccupations de M. Rabou. Comment des dispositions pacifiques donnent-elles à craindre pour l’avenir ? Nous lui laissons le soin de l’expliquer, nous n’avons pas à juger, nous racontons ; mais n’est-il pas permis de dire qu’avec une semblable disposition d’esprit le ministère public ne pouvait apprécier bien sainement toutes choses ? On l’entend constamment parler de mauvaises influences exercées auprès des cultivateurs. Les appréhensions que des affranchis de la veille ont naturellement pour leur liberté, trop longtemps désirée, trop tardivement acquise, M. Rabou ne manque jamais de les attribuer à de prétendus meneurs mulâtres. — Il n’existe de mauvais projets ni contre la liberté des nègres, ni contre la propriété des blancs : voilà la vérité ; mais pourquoi donc, lorsque M. Rabou trouve si simple que des blancs croient à des complots de nègres contre leurs propriétés, lorsqu’il y croit lui-même, trouve-t-il impossible que des nègres croient également tout seuls à des complots de blancs contre leur indépendance ? Le cerveau des noirs est pareil à celui des blancs ; les soupçons qui naissent dans l’un peuvent parfaitement naître dans l’autre. L’histoire d’ailleurs expliquerait encore de pareilles craintes, surtout pour les noirs de la Guadeloupe, qui, déjà libérés une fois par la grande Révolution, se sont vus barbarement rejetés dans l’esclavage. M. Rabou suppose des menées occultes de la part des mulâtres ; il s’attache, pour les incriminer, à des fantômes, et il ne veut pas écouter quelques anciens maîtres dont le langage inconsidéré compromet réellement la tranquillité publique[1]. C’est encore un des organes des rétrogrades qui nous fournit la citation suivante :

« Louis Nelson, dit Beaurenom, renvoyé à sa place, rede-

  1. Nous renvoyons aux annexes, lettre A, la discussion d’un article du Journal des Débats, où l’on verra si ce sont les mulâtres qu’il est juste d’accuser.