Page:Schœlcher - Le procès de Marie-Galante, 1851.djvu/36

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les campagnes répandre des bruits alarmants pour agiter le pays ? Et pourtant, on n’a jamais pu saisir, jamais ! un seul de ces prétendus malfaiteurs ? Pour lui, tout mulâtre qui a la confiance des cultivateurs est un artisan de désordre ; c’est ainsi que l’on a emprisonné les hommes les plus honorables de la classe jaune comme instigateurs de dévastations et d’incendies !

Les nègres ont été poussés à la révolte par les mulâtres ! Eh ! mon Dieu, avaient-ils besoin d’être excités, les malheureux qui voyaient tomber à leur côté leurs camarades, coupables de réclamer la délivrance d’un prisonnier arrêté arbitrairement ? Qu’on lise attentivement le procès, et l’on s’assurera que l’exaspération de tous, comme les inquiétudes de plusieurs, prennent uniquement leur source dans les propos de quelques colons, que nous venons de rapporter ; dans la cruelle violence dont ils venaient d’être victimes et dans le désespoir égaré où les avait jetés la perte de leurs frères, de leurs amis, de leurs parents, de tout ce qu’ils avaient de cher.

« Arrivé aux Basses, le feu était dans une pièce de cannes. Il y avait beaucoup de monde. Je leur fis des reproches. Je leur recommandai d’éteindre le feu, en leur disant qu’ils se faisaient tort à eux-mêmes, et qu’ils me forceraient à rougir. J’étais dans ce moment entouré d’une foule de personnes qui me dirent qu’ils ne me connaissaient pas ; que l’on avait tué leurs frères, qu’ils devaient les venger. » (Interrogatoire de M. Alonzo, Progrès du 21 mars.)

« D. Qu’avez-vous fait à Gagneron ? — R. J’ai fait comme les autres.

« D. Et à Vidon ? — R. Comme les autres.

« Qui vous a engagé à faire cela ? — R. C’est la mort de mes frères. » (Interrogatoire de Michel Charleson, Progrès du 28 mars.)

« Les blancs ont tué trop de nègres, il faut que les nègres fassent aussi quelque chose. » (déposition du témoin Alexandre, rappelée dans la plaidoirie de Me Percin, Progrès, 21 avril.)

« D. Que vous a-t-on fait ? — R. On a tué mon frère.