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mande à parler. Il revient et dit que les blancs, sur la savane, disaient tout haut qu’on avait besoin des nègres pour travailler, non pour voler ; que c’était la dernière fois qu’ils votaient et qu’on leur ôterait leur liberté. Il ajoute que les blancs les ont attaqués, les ont tués à coups de fusils.

« M. le procureur général : L’accusé a dit avoir entendu dire par des blancs qu’on ôterait leur liberté aux noirs ; peut-il nommer ceux qui ont tenu ce propos ? — R. M. Ducos père, M. Bonneterre. » (Avenir du 20 mars.)

Un autre accusé, Antoine, s’exprime ainsi :

« J’ai été voter dimanche à la Capesterre ; M. Saint-Georges Lacavé nous a dit : « Allez voter, c’est la dernière fois ; vous recevrez après cette fois vingt-neuf coups de fouet. »

L’accusé Cétout ajoute encore :

« Je voyais les blancs descendus à cheval, armés : ils disaient qu’il fallait leur payer notre liberté. Je craignais pour elle, j’ai été alors prendre un fusil !

« Le président : Personne ne veut prendre votre liberté. — R. Vous dites cela, vous, mais les blancs de Marie-Galante ne disent pas cela ! Ils disaient que notre liberté c’est feuille banane. Je n’ai rien fait. Je voulais défendre ma patrie. Je voyais un gros bâtiment mouillé à Marie-Galante ; les blancs courir avec leurs pistolets dans les chemins ; je voyais le vesou (jus de canne) surir dans les bacs ; c’était la première fois que je voyais une pareille chose. J’ai cru que c’était pour retirer noire liberté. » (Compte-rendu du Progrès.)


§ 4. — les nègres persuadés qu’on leur avait déclaré la guerre.


Quand d’anciens maîtres tiennent ce langage, où nous ne voyons, nous, qu’une légèreté imprudente, mais que d’anciens esclaves peuvent prendre à la lettre, n’est-il pas inconcevable que le ministère public vienne, comme les journaux de l’ordre, parler d’émissaires mulâtres qui s’en iraient dans