Page:Schœlcher - Le procès de Marie-Galante, 1851.djvu/51

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« Un jour, dit-il, Ferdinand est venu me demander des bulletins : je lui ai répondu qu’en ma qualité d’adjoint au maire, je ne voulais pas en délivrer, et qu’il devait s’adresser à Maurice Sébastien, s’il voulait voter pour M. Schœlcher. Alors Ferdinand me dit : « Comment trouvez-vous Isaac, qui nous dit qu’il ne fallait pas voter pour M. Schœlcher, parce que M. Schœlcher a écrit qu’un père pouvait avoir des relations avec sa fille, une mère avec son fils, un frère avec sa sœur. » Alors j’ai répondu qu’Isaac était un impertinent et qu’après les élections j’allais lui casser la tête. Mon intention était de lui proposer un duel pour avoir insulté mon ami. Puisque je votais pour M. Schœlcher, sensément c’était mon ami. Car quand on insulte mon ami en ma présence, je n’ai pas besoin d’aller lui dire cela pour qu’il se défende, c’est pour moi une affaire personnelle. C’est comme vous, monsieur le président, si vous disiez du mal de mon ami, je me ferais une affaire avec vous : c’est personnel, ce n’est pas général. » (Compte-rendu du Progrès, 21 mars.)

Un caractère de cette trempe devait infailliblement attirer les haines des incorrigibles. Il était trop fier, trop énergique pour des propriétaires habitués à ne voir dans les nègres que des instruments passifs.

Le procureur général, M. Rabou lui-même, convient, au reste, « qu’il y avait dans l’existence de cet homme quelque chose qui devait tout d’abord appeler sur lui l’intérêt et la confiance. Ancien esclave, Alonzo, par son travail, par son économie, était parvenu à briser ses fers. Libre depuis quinze ans, il se livrait à un petit commerce qui pouvait satisfaire son ambition. Naturellement ardent, passionné, il ne devait plus conserver l’exaltation de la jeunesse, Alonzo a atteint sa cinquantième année, mais il est des cœurs dans lesquels les mauvaises passions ne vieillissent jamais. » C’est pourtant à ce nègre de cinquante ans, dont les antécédents sont si purs, si honorables, que l’on impute des projets de massacres et d’incendies. Dans quel but aurait-il conçu ces affreux desseins ? Nul ne l’a dit. Est-ce, comme le prétend plus loin l’accusation, parce que « Alonzo unissait à l’astuce du vieil esclave la violence irré-