Page:Schœlcher - Le procès de Marie-Galante, 1851.djvu/55

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aux scandaleux acquittements qui étaient toujours prononcés dans les affaires de sévices, mais les résultats furent à peu près les mêmes. Les choses arrivèrent à ce point que M. Montebello, ministre de la marine en 1847, put dire à la Chambre des Pairs, séance du 4 août : « Il ne faut pas oublier que depuis 1845 le gouvernement a pu suivre la magistrature constituée avec l’assessorat et s’assurer qu’elle était loin de répondre aux besoins de la justice… Qu’est-ce que l’institution des assesseurs ? C’est un simulacre de jury. Ce jury incomplet, imparfait, dénaturé, pourrait être attaqué, etc. » De son côté, mon honorable ami, M. Paul Gasparin, rapporteur de la loi de 1847, qui enlevait aux Cours d’assises la connaissance des crimes commis par les maîtres envers leurs esclaves, disait « qu’il n’avait pas besoin de rappeler les faits déplorables qui avaient si malheureusement déçu l’espoir qu’on avait eu d’obtenir une justice impartiale. »

Ce sont cependant des Cours d’assises ainsi constituées qui jugent encore aujourd’hui aux Antilles et qui prononcent des condamnations à dix ans de réclusion contre des hommes comme M. Alonzo ! C’est ce jury imparfait, incomplet, dénaturé, qui a plus de prérogatives que notre jury métropolitain : car les assesseurs, au lieu de se prononcer seulement comme les jurés sur le fait incriminé, délibèrent avec la Cour sur la position des questions, sur les questions posées et sur l’application de la peine. (Art. 77 de l’ordonnance de 1828.)

Après la révolution de février, les décrets d’émancipation, en attendant une organisation complète, ont simplement déclaré aptes à faire partie du collège des assesseurs tous les électeurs, c’est-à-dire que les conditions d’âge et de cens sont actuellement, abolies ; mais comme la formation des listes est laissée à l’arbitraire du gouvernement local, les magistrats amovibles se trouvent dominés par une sorte de commission administrative.

Récemment encore, M. Salmon, rapporteur de la loi sur la presse coloniale, qui vient d’être adoptée par l’Assemblée législative, en proposant de faire juger par un tribunal spécial, formé exclusivement de magistrats, les dé-