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Que répliquent les Débats ? (N° du 19 juillet.}

« Nous ne répondrons pas aux insinuations que le National cherche aujourd’hui à tirer de nos paroles ; nous n’avons pas besoin de dire que nous ne voulons ni organiser la dépendance du cultivateur de la canne, ni créer on nouveau servage aux Antilles ; nous n’avons pas besoin de dire que nous ne sommes pas les adversaires de l’affranchissement des noirs, nous avons un long passé qui répond trop bien de nos sentiments à cet égard.

« Longtemps avant que le National existât, nous réclamions l’émancipation des noirs, parce que c’était la cause de la liberté, parce que les noirs étaient alors des victimes et des opprimés. Aujourd’hui la situation est bien changée ; ce sont les blancs qui sont menacés à leur tour d’être des victimes, et c’est pour qu’ils soient protégés que nous ne cessons de presser et d’activer la sollicitude trop expectante du gouvernement. C’est toujours la même cause que nous défendons, celle du respect qui est dû aux droits de tous ; car nous ne voulons de victimes d’aucune couleur, et nous sommes persuadés que l’honneur de notre pays est engagé à empêcher tous les holocaustes. Pour nous, émancipation des noirs n’a jamais voulu dire substitution d’une race à une autre, ainsi que l’enseigne la presse anarchique des colonies, c’est-à-dire ruine des blancs (et elle est presque définitivement consommée), incendie de leurs maisons, comme cela se pratique depuis quelque temps ; nécessité de l’exil, ainsi que beaucoup de familles l’ont déjà accepté ; et enfin extermination des uns par les autres ; car tel serait le résultat inévitable de pareils fléaux si l’on n’y met bon ordre, comme il est du devoir de la France de le faire.

« Quant à la situation intermédiaire dont nous avons parlé et que la déplorable précipitation du gouvernement provisoire[1] ne lui a pas permis d’établir entre les esclaves de la veille et les citoyens du lendemain, nous pensons qu’il est temps d’y songer. Après tous les crimes et tous les désordres dont la colonie de la Guadeloupe en particulier a été le théâtre depuis deux ans, il est urgent de combler cette lacune. Cela ne veut pas dire qu’il faille revenir sur l’émancipation, on le sait bien ; mais cela veut dire qu’il faut imposer quelque garantie à l’exercice de tous les droits politiques dont on a si follement revêtu les affranchis du 3 mai 1848. Le suffrage universel tel que l’entendait le gouvernement provisoire a été trouvé une chose mauvaise et dangereuse en France, au milieu

  1. La déplorable précipitation ! La commission instituée par le gouvernement provisoire a consacré deux mois d’un travail consécutif à faire les décrets.
    (Note de l’auteur)