Page:Schelling - Écrits philosophiques, 1847, trad. Bénard.djvu/134

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posé, celui des sens et de l’expérience, ou de l’opinion commune ; ce dernier est représenté surtout par Descartes dans la physique moderne, dans la philosophie ancienne, par Épicure ou Démocrite.

Les sens et l’expérience, ou le raisonnement, qui s’appuie sur leurs données, nous montrent les corps, comme ayant une existence propre et indépendante, comme séparés entre eux et de leur principe, comme privés de vie et de signification. Ils ne nous offrent que des qualités matérielles que l’analyse distingue et qu’elle isole. Aux yeux donc des sens, le fini apparaît séparé de l’infini ; la matière étendue, inerte est complètement privée des propriétés de l’intelligence et de la vie. Entre l’esprit et la matière, le monde des corps et celui de la pensée, il n’y a rien de commun ; la nature totalement dépourvue de sens et d’idées n’est qu’une lettre morte. Tout au plus, peut-on la connaître dans ses détails et ses parties, ou former de ces parties un ensemble par une synthèse extérieure et factice. La science se divise et se fractionne ainsi à l’infini ; elle devient atomistisque comme son objet. Par là toute idée d’organisme disparaît, ou fait place à celle d’un simple enchaînement mécanique de causes et d’effets. Au lieu de faire dériver tous les phénomènes d’un seul principe absolu, d’où rayonnent des forces, des puissances, à des dégrés différents, on rattache les diverses classes de faits à des causes différentes qui sont censées les produire, causes, du reste, tout-à fait inconnues et hypothétiques