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Page:Schelling - Écrits philosophiques, 1847, trad. Bénard.djvu/574

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véritable cochon qu’il avait caché sous son manteau ; mais il fut sifflé. Il exhiba alors l’animal, et couvrit de confusion les connaisseurs trompés. Qui sait, cependant ? Ces derniers n’avaient peut-être pas tout-à-fait tort de préférer l’acteur ; seulement ils puisaient leur plaisir à la fausse source de l’illusion ; ils trouvaient plus agréable d’entendre une voix d’homme imiter celle d’un animal, quoique cependant l’illusion ne fût pas complète.

A l’illusion se rattache la vraisemblance, dont on a fait une loi, principalement pour la poésie, et surtout pour la poésie dramatique. Elle a conduit à en bannir tout ce qui est hardi, grand, merveilleux, extraordinaire, et à donner pour son véritable objet les scènes journalières de la vie commune. Détestable système. La vraisemblance, proprement dite, s’appuie sur des calculs de la raison, qui ne peuvent s’appliquer à une œuvre d’art. Dans la poésie, une chose est vraisemblable quand elle parait vraie, et voilà tout. Or, paraître vrai peut très-bien être ce qui ne peut jamais être vrai. Ajoutons à cela que si le poète doit savoir, par la magie de ses tableaux, nous jeter dans un monde étranger, il peut disposer de tout à son gré, en suivant ses propres lois.

Dans un autre sens, on nomme encore la nature ce qui, dans l’homme, est produit spontanément et sans effort, en opposition avec ce qui est travaillé avec art. On a recommandé ainsi le naturel de deux manières : sous le rapport des personnages représentés, et sous celui de l’artiste lui-même. Dans les autres arts, il est trop évident que la pratique, à cause de leurs moyens tout-à-fait techniques, exige une étude approfondie et méthodique. Mais ce mauvais conseil de se confier aveuglément à son talent, de s’abandonner à la fougue impétueuse d’une inspiration sans frein, non-seulement en apparence, mais en réalité, a conduit, surtout dans la poésie, à toute sorte d’égare-