Je quitte un bien certain qui tente mon souhait,
S’il blesse ma rondeur d’apparence ou d’effect.
Le fast j’envoye aux Cours et aux clercs des Escoles.
L’Alchymie est chez moy, mais non ses suites folles[1]:
Tromper, dépenser gros, croire l’art sans doubter,
Attendre une mer d’or, sans fin la trompeter :
Aucun je n’ay trompé, j’ay faict peu de despense,
J’attends peu, je dis moins, j’espère sans croyance.
Je ne drappe ou mesdis. De leger je ne croy.
Je suis fort veritable et d’une entiere foy.
Si par occasion quelque bourde je donne,
Elle sert à quelqu’un et ne nuit à personne,
Sauvant bruit ou desastre ouverts à mes amis :
Et n’ay point cet excés à mon besoin permis.
Ou si pour mon besoin la verité j’altere,
C’est sur le coup précis d’une importante affaire :
Sans interest d’autruy, sans me prester du vent.
Sans affermer encore, et certes peu souvent.
Puis qu’on peut rarement desguiser le mensonge,
Dans son bourbier honteux un prudent ne se plonge :
Car l’honneste renom de vray-disant luy sert,
Et surpris pour menteur sans remede il le perd.
Nul propos imposteur par hayne je n’advance.
Mon interest n’esteinct l’œil de ma cognoissance.
Je voy le vice aussi qui difforme l’amy :
Et connoy la vertu qui dore l’ennemy.
Je ne donne au prochain accort ou mal-habile,
Conseil nuisible à luy, bien qu’il me fust utile.
La vertu sans les biens j’honore où je la voy.
Pour moy je fay raison, je la fay contre moy.
J’ay le cœur noble et franc, ie hay toute feintise.
Je suis inviolable en l’amitié promise :
En fortune, en disgrâce, en la vie, en la mort,
Du monde ny des ans ce vœu ne sent l’effort.
L’amy ni l’estranger paisible je n’offence,
Et souvent à leur tort je preste l’indulgence.
- ↑ (N. d. a.). Cela fut durant la première Impression de ce Livre,
et n’est plus dès longtemps. ***