Page:Schiff - Marie de Gournay.djvu/56

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en Italie[1], Anne-Marie de Schurman en Hollande, et en Angleterre le roi Jacques lui-même, qui parlait d’elle avec l’ambassadeur de France et s’estimait heureux de posséder un écrit de sa main[2].

  1. On trouvera la prose de Capaccio et les vers de Pinto dans l’Appendice C.
  2. Dans un passage de son Apologie, Marie de Gournay parle avec respect des propos très flatteurs que le roi Jacques d’Angleterre a tenus sur son compte au maréchal de Lavardin. Sa Majesté montra à l’ambassadeur un écrit de la main de la docte fille qu’il conservait dans son cabinet. Et on le sut au Louvre. Il est assez curieux de constater que ce fait dont la fille d’alliance de Montaigne se glorifie est le fruit d’une mystification dont elle a été la victime et à laquelle j’ai fait allusion au commencement de cette étude. Tallemant dans l’historiette qu’il lui consacre raconte l’anecdote suivante : « Ces pestes (Moret, de Bueil et Yvrande) lui supposèrent une lettre du roi Jacques d’Angleterre, par laquelle il lui demandait sa Vie et son portrait. Elle fut six semaines à faire sa Vie. Après, elle se fit barbouiller, et envoya tout cela en Angleterre, où l’on ne savoit ce que cela vouloit dire. »

    Dans une lettre au trésorier Thevenin à qui elle a communiqué la copie de sa vie, elle raconte comment cette biographie, écrite en 1616, lui fut extorquée par de mauvais plaisants. Ils lui firent croire qu’un chanoine anglais nommé Hinhenctum désirait connaître la vie de Montaigne et la sienne pour un ouvrage sur les hommes et les femmes célèbres de son siècle, que le roi son maître lui avait commandé de faire. Marie de Gournay s’aperçut qu’on l’avait jouée. Furieuse, elle réclama son manuscrit. Il avait disparu. Elle dut se contenter de faire signer par ses moqueurs la minute qu’elle avait gardée. Ils se soumirent à cette condition avec « une aversion plus grande qu’il ne se peut dire. »

    Il est évident que la pièce montrée par Jacques Ier d’Angleterre au maréchal de Lavardin n’était autre que le manuscrit de cette fameuse Vie qui fit faire tant de mauvais sang à la pauvre vieille fille.