Page:Schiff - Marie de Gournay.djvu/62

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d’exemples et d’argumens, à l’imitation de ceux qui se sont portez à une telle entreprise avant que je m’en sois meslée. Il sera bon de regarder après quel rang ce Traitté doit tenir en gros par comparaison, entre ceux qui regardent ce mesme but de l’honneur et de la deffence des Dames. »

L’idée de présenter une défense des femmes dont tous les éléments seraient empruntés à des hommes était heureuse. L’argument théologique a moins de poids, d’abord parce qu’il a souvent servi, et ensuite parce que Mademoiselle de Gournay le manie avec une désinvolture surprenante qui lui suggère des idées tout à fait saugrenues : comme par exemple la raison qu’elle donne pour expliquer que Jésus devait être homme « par nécessaire bien-sceance, ne se pouvant pas sans scandale, mesler jeune et à toutes les heures du jour et de la nuict parmy les presses, aux fins de convertir, secourir et sauver le genre humain, s’il eust esté du sexe des femmes : notamment en face de la malignité des Juifs. »

Dans le Grief des dames, Marie de Gournay s’adresse surtout aux hommes de lettres infatués de leur sexe et qui s’en targuent pour échapper aux raisonnements et aux objections des femmes. Elle y donne librement carrière à la colère que la conduite des courtisans et des lettrés à son égard a amassée en elle. À plusieurs reprises, elle avait déjà effleuré ce sujet ailleurs, notamment dans la première grande préface qu’elle mit aux Essais de Montaigne, et dans sa propre Apologie. C’est dans ce dernier ouvrage qu’elle trace, la