Page:Schiff - Marie de Gournay.djvu/63

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rage au cœur, le portrait de la femme de lettres telle que la conçoivent ses contemporains. « Est-il au demeurant butte particuliere à caquets, s’écrie-t-elle indignée, comme la condition des amateurs de science en nostre climat, s’ils ne sont d’Eglise ou de robe longue ? Climat auquel rien n’est sot ny ridicule, apres la pauvreté, comme d’estre clair-voyant et sçavant : combien plus d’estre clair-voyante et sçavante, ou d’avoir simplement ainsi que moy, désiré de se rendre telle ? Parmy nostre vulgaire, on fagotte à fantaisie en general et sans exception, l’image d’une femme lettrée : c’est-à-dire, on compose d’elle une fricassée d’extravagances et de chimères : quelle que ce soit après celle de ce nom, qui se présente, et pour contraire à cela que sa forme s’exprime aux yeux des regardans, ils ne la comprennent en façon quelconque : et ne la voit-on plus, qu’avec des présomptions injurieuses, et soubs la forme de cet épouventail. C’est merveille des belles choses, qu’on luy fait dire et faire en dormant : tous les saincts de la kyrielle ne firent oncques tant de miracles, que ceste pauvre créature, vraye martyre en la bouche des foux : j’entends si de fortune elle n’est plus forte que ses tesmoins. »

Pour l’Egalité des hommes et des femmes, j’ai suivi scrupuleusement l’édition de 1622. Mais il m’a semblé utile de donner toutes les variantes que présente ce texte dans les éditions de 1626, 1634 et 1641, parce que Marie de Gournay remaniait sans cesse ses ouvrages et qu’on peut ainsi se rendre compte des changements