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LE BOUDDHISME AU TIBET

Jusqu’à cette époque la religion s’était conservée par tradition ; il est donc douteux que la loi originale soit restée pure de toute altération au milieu des modifications naturelles inhérentes à la tradition orale, quoique, selon l’histoire bouddhique, les paroles de Sākyamouni aient déjà reçu une forme précise et bien définie depuis l’année de sa mort. Bien plus, nous avons la preuve positive que des altérations arbitraires et des additions ont été faites volontairement, principalement au sujet de détails historiques donnés par les recueils primitifs. De telles modifications deviennent bientôt fréquentes et prennent de l’importance, non pas positivement en elles-mêmes, mais par la prétention de chaque nouvelle secte à des dogmes particuliers révélés par Sākyamouni. L’orthodoxie de chaque nouvelle école dogmatique est fondée sur la supposition que la parole du Bouddha doit se prendre dans un double sens, parce qu’il a souvent été forcé, en raison de l’intelligence de ses auditeurs, d’expliquer certains sujets tout à fait à l’opposé de sa véritable opinion ; chaque nouvelle secte qui s’établit ne repousse pas les travaux précédents comme falsifiés, mais prétend avoir découvert le sens vrai de sa parole[1].

Pendant le premier siècle après la mort de Sākyamouni, il ne s’élève point de controverses sur ses lois ; mais alors une nombreuse confrérie de moines (12,000 dit-on) affirment l’efficacité de dix indulgences. Leur doctrine est condamnée par l’assemblée des prêtres au synode de Vaïsālé, ville au nord de Pâtna (Patalipoutra), sur la rive orientale du Gandak ; ils refusent de se soumettre à ce jugement et forment le premier schisme[2]. À cette nouvelle période du bouddhisme, où les dogmes fondamentaux de Sākyamouni com-

  1. Burnouf, Introduction, p. 219 ; Wassiljew, Der Buddhismus, p. 329.
  2. Voyez Turnour, « Pâli Buddhistical Annals ». Journal As. Soc. Beng., vol. VI, p. 729. À ce synode fut proposé le dogme suivant : « Cela seul peut passer comme la véritable doctrine du Bouddha, qui n’est pas en contradiction avec la saine raison. » La conséquence immédiate de cette doctrine fut la formation de diverses écoles ; celles-ci, dans leurs fréquentes disputes, essayèrent de prouver la pureté de leurs dogmes dans une discussion solennelle devant une grande assemblée de prêtres et de laïques. Dans la premiers période du bouddhisme les chefs seuls des écoles rivales pouvaient engager la discussion ; le vaincu devait mettre fin à son existence, devenir l’esclave de son adversaire plus heureux, embrasser sa croyance ou abandonner sa fortune au vainqueur. Plus tard des monastères entiers prirent part à ces discussions et les établissements des vaincus furent détruits. Cette circonstance explique la disparition totale de maint monastère dans l’Inde ; Wassiljew, Der Buddhismus, p. 72. On trouvera de plus amples détails sur les anciennes écoles dans l’ouvrage de Vasoumitra, dont une traduction a été jointe comme appendice ; à l’ouvrage de Wassiljew ; voyez Foe-Koue-Ki, traduction anglaise, p. 259 une note intéressante est ajoutée à l’original français ; comparez aussi Burnouf, Introduction, p. 86.