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LE BOUDDHISME AU TIBET

à-dire à Nirvāṇa. Le premier chemin s’atteint par la pratique des vertus, le second par la plus haute perfection de l’intelligence. Les Prasangas comptent huit (selon quelques auteurs onze) particularités qui distinguent leur système de tous les autres ; parmi ces onze particularités, telles qu’elles sont données par le Tibétain Jam Yang Shadpa, je choisis les suivantes comme les plus remarquables, les autres ne sont que la répétition des principes généraux mahāyāna, ou des déductions contenues dans leur système.

Leur dogme principal est la négation de l’existence et de la non-existence ; ils n’admettent ni existence propre (existence absolue) Paramartha, ni existence par connexion causale, Samvriti, afin de ne pas tomber dans les extrêmes. Car, ne pas dire être de ce qui n’a jamais existé et non-être de ce qui a vraiment existé, c’est prendre un terme moyen, Madhyama[1]. Ce dogme est formulé comme il suit : « Par la négation de l’extrême de l’existence on nie aussi (sous prétexte conditionnel) l’extrême de non-existence, qui n’est pas dans Paramartha. » La plupart des arguments à l’appui de cette thèse sont sans intérêt ; les curieux syllogismes qui suivent se trouvent dans le livre de Jam Yang Shadpa :

1° Si la plante croissait par sa propre nature spécifique, elle ne serait pas un composé, Tenbrel ; il est démontré cependant que c’est un composé.

2° Si quelque chose dans la nature avait une existence propre, nous devrions certainement le voir et l’entendre ; car la sensation de voir et d’entendre serait dans ce cas absolument identique.

3° La qualité d’être général (généralité) ne serait pas particulière à beaucoup de choses, parce que ce serait une unité indivisible ; nous devrions prendre le moi pour une unité de cette sorte, s’il y avait un moi.

4° La plante ne serait pas obligée de croître de nouveau, parce qu’elle continuerait à exister.

5° Si quelque Skandha[2], comme la sensation, possédait une existence propre, quelque autre Skandha, comme par exemple le corps organisé, existerait

  1. On les appelle aussi en raison de cette théorie « ceux qui nient l’existence (nature), en tibétain Ngovonyid medpar mraba.
  2. Les bouddhistes comptent cinq propriétés essentielles de l’existence sensible qui sont appelées Skandhas ou Silaskandhas, en tibétain, Tsoulkhrim Kyi phoungpo, les corps de morale. Ce sont : 1° le corps organisé ; 2° la sensation ; 3° la perception ; 4° le discernement ; 5° la conscience. Voir Burnouf, Index voce Skandha ; Hardy’s, Manual of Buddhism, pages 388, 399-424. Voir, pour les noms tibétains des cinq Skandhas, Buddistische Triglotte, par A. Schiefner, p. 9.