Page:Schlegel - Œuvres écrites en français, t. 1, éd. Böcking, 1846.djvu/24

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j’y ai développé aussi mes objections contre plusieurs thèses particulières de l’auteur. Des notes fréquentes et prolixes au bas de chaque page distraient le lecteur et ne lui permettent pas de suivre la série des arguments, ni la narration des faits. Avec mon arrangement, ceux qui voudront entrer en matière pourront, après avoir lu le texte, trouver à loisir tous les éclaircissements qu’ils désirent. Les citations sont souvent un vain étalage qu’un pédant érudit emprunte a l’autre, sans les avoir vérifiées lui-même. Mais dans un sujet si neuf il fallait bien fournir mes preuves.

Entre M. Raynouard et moi il est resté un dissentiment fondamental, malgré notre accord sur beaucoup de points. Il soutenait l’universalité primitive du provençal dans toutes les anciennes provinces romaines : il se croyait en droit, précisément à cause de cela, de désigner cet idiome par le nom trop générique de langue romane. Il voulait en dériver l’italien, l’espagnol et le portugais, entre lesquelles langues et le latin il n’y a point eu d’intermédiaire. Je crois avoir réfuté solidement cette hypothèse, mais je n’ai pas réussi à désabuser M. Raynouard. C’était l’enfant gâté de son érudition ; il a employé a l’étayer tout le sixième volume de son ouvrage, et je crains bien qu’une supposition aussi fausse ne l’ait fait biaiser dans le plan de son Lexique roman, qu’il eût mieux valu nommer Dictionnaire de la langue d’Oc. En général, M. Raynouard était bon grammairien, mais l’étymologie n’était pas son fort.

A quoi bon, dira-t-on, ces disputes prolongées, si, a la fin, chacun des deux combattants reste de son avis ? La persistance dans une opinion erronée dont on a été l’inventeur, est naturelle et fort innocente, pourvu qu’on ne se mette pas en colère, comme le docteur aristotélicien